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L’intervention précoce centrée sur l’enfant sourd ou centrée sur une famille dont l’enfant est sourd : vers un changement de paradigme

VAN DER STRATEN WAILLET Pauline

Logopède, Dr en Sciences Psychologiques de l’Éducation, Université Libre de Bruxelles

HAGE Catherine

Logopède, Dr en sciences psychologiques et de l'éducation, ULB

L’intervention précoce centrée sur l’enfant sourd ou centrée sur une famille dont l’enfant est sourd : vers un changement de paradigme

L’intervention précoce fait suite au diagnostic de plus en plus précoce de surdité et implique des pratiques centrées, non plus seulement sur l’enfant et son symptôme, mais centrées sur une famille dont l’enfant est sourd. Cette présentation propose de mettre en lumière pour les professionnels quelques-unes des recommandations les plus récentes à propos de l’intervention précoce centrée sur la famille de l’enfant sourd (Family-Centered Early Intervention Deaf/Hard of Hearing Children; Moeller et al., 2024). Seront développées les recommandations suivantes : adopter une position de partenaire plutôt que de savant-expert ; construire une relation de partenariat avec la famille susceptible de mobiliser l’engagement thérapeutique des parents ; apporter une information complète, précise et objective ; soutenir les interactions famille-enfant et créer des environnements langagiers riches ; collaborer avec les autres professionnels impliqués ; ajuster l’intervention sur base d’évaluations régulières tant du côté de l’enfant que de ses parents. En réponse aux enjeux colossaux liés au développement de l’enfant sourd, et ce malgré une technologie de pointe telle que l’implant cochléaire, le rôle des parents est central et ne peut plus être considéré comme une « plus-value » à l’intervention (orthophonique) précoce. Ces recommandations sont autant de points de repères permettant au professionnel, quel que soit son contexte d’intervention, d’interroger très concrètement sa pratique auprès des familles et de le guider dans cette dimension du travail parfois très neuve et éminemment humaine durant la période qui suit l’annonce du diagnostic. Il est nécessaire, dans ce contexte, que les professionnels se forment pour développer progressivement les dispositions et qualités nécessaires au soutien et à la mobilisation des familles. Il s’agit de tout mettre en œuvre pour répondre ainsi – de façon collaborative – aux enjeux développementaux qui engagent l’avenir à la fois social, linguistique et cognitif de l’enfant sourd.

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Plasticité des voies auditives, périodes critiques

MICHALSKI Nicolas

Directeur de l’équipe « Plasticité des Circuits Auditifs Centraux » à l’Institut de l’Audition, centre de recherche de l’Institut Pasteur, Paris

Dr. N. Michalski is a permanent researcher of the Institut Pasteur and his laboratory at Institut de l’Audition is dedicated to the deciphering of the molecular signaling pathways controlling the development and physiology of the central auditory system. N. Michalski’s contributions in the field of hearing include the demonstration that otoferlin acts as a Ca2+ sensor for synaptic vesicle release at the ribbon synapse of hair cells, the characterization of plastic remodeling of the auditory cerebrovascular network in deaf mice, the discovery that cdhr15 and cdhr23 play intrinsic roles in the development of auditory cortex interneuron precursors, and the publication of a major single cell cochlear transcriptomic atlas.

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Depuis les années 1990, l’étude des troubles auditifs héréditaires, principalement ceux détectés à la naissance, dans la période prélinguale ou chez les jeunes adultes, a conduit à l’identification de plus de 140 formes isolées (non syndromiques) et d’environ 400 formes syndromiques de surdité. L’étude de modèles murins de ces formes monogéniques de surdité a permis de mieux comprendre les mécanismes moléculaires de l’audition, en particulier ceux impliqués dans le développement et/ou le fonctionnement de l’organe sensoriel auditif, la cochlée. En parallèle, l’étude de ces modèles a également permis de décrypter les mécanismes physiopathologiques à l’origine des atteintes auditives. Pour plusieurs de ces formes génétiques de surdité, des preuves de concept ont été obtenues pour le traitement par thérapie génique cochléaire. Néanmoins, la surdité périphérique peut également être associée à des dysfonctionnements auditifs centraux et peut s’étendre bien au-delà du système auditif lui-même, en conséquence d’altérations des entrées sensorielles codées ou de l’implication des gènes de la surdité causale dans le développement et/ou le fonctionnement des circuits auditifs centraux. L’étude de la diversité, des causes et des mécanismes sous-jacents de ces dysfonctionnements centraux, de la manière dont ils pourraient entraver les avantages escomptés de la restauration de l’audition par la thérapie génique périphérique, et la détermination de la manière dont ces problèmes pourraient être résolus sont en train de devenir un domaine de recherche à part entière. Je présenterai une vue d’ensemble des connaissances actuelles sur les déficits centraux associés aux formes génétiques de surdité.

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Bilan étiologique très précoce d’une surdité de l’enfant

Dr BOIS Emilie

Praticien Hospitalier, service d'ORL pédiatrique, Hôpital Robert Debré, Paris

Bilan étiologique très précoce d’une surdité de l’enfant Dr Emilie Bois – Praticien Hospitalier à l’hôpital Robert Debré, Paris

Le dépistage auditif néonatal obligatoire a permis un diagnostic très précoce de la surdité, parfois avant 2 mois de vie. Se pose ensuite la question de la prise en charge de cette surdité, et notamment de son bilan étiologique, en effet certains examens ne sont pas réalisables chez le tout-petit et certains examens dépendent des résultats d’autres examens.
Certains examens sont systématiques devant toute surdité de l’enfant : PCR CMV salivaire, consultation génétique, IRM des rochers et cérébrale, bilan vestibulaire et consultation ophtalmologique. D’autres examens dépendent du contexte clinique ou des résultats retrouvés aux examens précédents : ECG, PEV-ERG, bandelette urinaire…

Dès le diagnostic de surdité, et même dès l’échec au dépistage auditif (même unilatéral), on peut d’emblée prescrire une PCR CMV sur prélèvement salivaire. Plus ce test est précoce, plus il est indicatif étant donné la fréquence du virus dans la population générale. Si le CMV est retrouvé dans la salive, il faudra alors faire une PCR CMV sur le sang du carton de Güthrie pour prouver le caractère anténatal de l’infection, et si le sang fœtal est contaminé par le CMV, déterminer le terme de la séroconversion.

Dès le diagnostic de surdité on peut également demander une consultation génétique, techniquement faisable à tout âge : on sait que la surdité de l’enfant est majoritairement d’origine génétique. Mais l’accessibilité à la consultation génétique et les délais pour l’obtention des résultats sont parfois très longs et il vaut mieux avoir une orientation diagnostique avant de faire les premières recherches génétiques. C’est donc un examen que l’on demande habituellement souvent dans un deuxième temps. Mais avec le protocole de thérapie génique sur l’otoferline actuel, il peut y avoir une urgence à avoir le diagnostic : donc les patients suspects de mutation de l’otoferline doivent être adressés en urgence à un généticien.

Tout diagnostic de surdité doit s’accompagner d’un bilan d’imagerie. L’IRM permet de caractériser l’anatomie de l’oreille interne, le paquet acoustico-facial et l’encéphale : cet examen est réalisable dès la naissance mais nécessite une sédation. Il est préférable d’attendre 4 à 6 mois de vie pour faire l’IRM car certaines structures peuvent être mal visibles chez les plus jeunes, et nécessitent alors de refaire l’examen.

En cas de projet d’implantation cochléaire, on demande également un scanner des rochers pour évaluer la faisabilité chirurgicale, les malformations de l’oreille moyenne associées et caractériser à nouveau l’anatomie de l’oreille interne. Cet examen nécessite également une sédation, c’est pourquoi on l’associe souvent là l’IRM, et il est irradiant. Il est faisable dès la naissance, mais comporte une irradiation qu’il faut prendre en compte chez le nouveau-né.

Le bilan vestibulaire est nécessaire devant toute surdité, du fait la proximité du labyrinthe postérieur et de la cochlée et de leur embryologie. Un bilan vestibulaire complet est possible chez un enfant sans autre comorbidité à partir de 5 mois de vie. Cet examen permettra d’évaluer la fonction vestibulaire ce qui permettra : en cas de déficit, de prescrire de la psychomotricité et des mesures d’adaptation pour améliorer les acquisitions motrices, de déterminer la fonction avant chirurgie d’implant cochléaire.
En cas de surdité profonde et d’aréflexie vestibulaire complète bilatérales, il faudra demander :
– en urgence un ECG pour éliminer le syndrome de Jervell-Lange-Nielsen : en pratique, étant donnée l’innocuité de cet examen et la rapidité de réalisation, nous le demandons dès l’annonce de la surdité – car parfois les délais d’obtention du bilan vestibulaire sont de plusieurs mois
– un ERG et des PEV pour éliminer un syndrome de Usher type I : dans ce cas, il ne sert à rien d’être trop précoce, les conséquences de la rétinopathie n’apparaissant que secondairement

Ainsi plusieurs examens sont indispensables devant toute surdité. La PCR CMV salivaire peut être faite dès l’échec du dépistage auditif. L’IRM et le bilan vestibulaire peuvent être faits à partir de 4-5 mois de vie : étant donné l’accessibilité à ces examens, cela permet le plus souvent de prendre le temps d’organiser les bilans après l’annonce. Enfin la consultation génétique est demandée en fonction du contexte et en fonction des possibilités des différents centres.

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Etat des lieux en France après 10 ans de dépistage auditif

Dr DURAND Catherine

Pédiatre, Coordination du Réseau périnatal des 2 Savoie (RP2S), Chambéry, Référente dépistage surdité auprès de l'URPHE (opérateur pour la Région Auvergne Rhône-Alpes), Vice-présidente de la FFADAN

État des lieux en France après 10 ans de dépistage auditif

En France, le dépistage néonatal biologique a fêté ses 50 ans en 2022, et le dépistage néonatal de la surdité a aujourd’hui 10 ans (cahier des charges national publié en novembre 2014).

Toutefois, les derniers indicateurs dont nous disposons sur le plan national, fournis par Santé publique France (SpF) portent sur les années 2015 et 2016 (1) , et l’absence de registre des enfants diagnostiqués sourds ne permet pas d’apprécier l’impact du dépistage pour ces enfants à l’échelle du territoire.

L’objectif de la présentation est de décrire la diversité et la complexité des organisations régionales actuelles et d’introduire les préconisations de la Fédération française des acteurs du dépistage auditif néonatal (FFADAN), en s’appuyant sur les données de l’enquête FFADAN 2022 (2) , de l’Enquête nationale périnatale (ENP) 2021 (3) , et le partage d’indicateurs régionaux.

En 2022, l’organisation du dépistage était confiée au Centre Régional de Dépistage Néonatal seul pour 29% des naissances, au réseau de périnatalité seul pour 7%, et l’organisation était mixte pour 61% des naissances.

Les buvards Guthrie étaient utilisés comme supports de traçabilité pour 87% des naissances, et 78% des données étaient traités via la plate-forme Vozanoo®.

Le dépistage concernait à la fois les atteintes bilatérales et unilatérales pour 52% des naissances. Pour les ¾ des enfants suspects de surdité en sortie de maternité, les tests étaient non concluants de façon unilatérale.

Selon l’ENP, la séquence T1/T2 utilisait majoritairement OEA/OEA (44% des maternités), puis à égalité OEA/PEAA ou PEAA/PEAA (28% des maternités). 

La pratique d’un test automatisé ambulatoire différé (étape T3), organisée en France pour 83% des naissances, « normalise » selon les régions, entre 82 et 92% des tests non concluants en sortie de maternité. Ce test différé permet à la fois de diminuer le recours à l’étape diagnostique et de rattraper les dépistages non ou incomplètement effectuée. (4, 5, 6)

L’organisation du parcours diagnostique pour les enfants repérés par le dépistage n’est pas homogène sur le territoire. La surdité néonatale bilatérale concerne un peu plus d’un nouveau-né sur mille, et près de 2 ‰ avec la surdité unilatérale.

La présentation abordera la question des publics spécifiques, comme les enfants hospitalisés en néonatalogie, ou les naissances en contexte non conventionnel (non prises en compte par le législateur) (7) , et le sujet du consentement parental au dépistage.

Des données régionales récentes (Occitanie, Haute-Normandie, Auvergne Rhône-Alpes) montreront la bonne acceptation sociétale du dépistage (taux de refus ≤ 1‰, et exhaustivité >99,5%), mais aussi la nécessité d’améliorer les parcours et l’efficience, notamment pour la phase diagnostique post dépistage.

Les disparités et l’inégalité territoriale d’offre de soins pour les nouveau-nés en France et la diversité des solutions régionales soutiennent aujourd’hui un partage d’expérience pour progresser dans ce dépistage. Aussi, les acteurs du dépistage fédérés en association (8) ont émis des propositions de recommandations portant sur l’extension du dépistage aux surdités unilatérales, les outils du dépistage (PEAA versus OEA), la généralisation de l’étape T3, la prise en compte des naissances non suivies d’un séjour en établissement… (9)

Enfin, l’évaluation de ce programme de santé ne sera pas complète sans une évaluation du point de vue des usagers, parents d’enfants « bas risque » en maternité et parents d’enfants diagnostiqués sourds, évaluation qui reste aujourd’hui à mener.

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Impact psychologique de l’annonce du diagnostic : quelles recommandations, quel suivi ?

BROSSARD Angélique

Psychologue clinicienne et psychothérapeute, CHU Amiens Picardie, service ORL, Service de Consultations Psychopathologie Enfants et Adolescents, Centre Ressources et Compétences Mucoviscidose

MARIE Amélie

Psychologue clinicienne, Centre Expert Audition Jeunes Enfants CEAJE, Unité d'audiologie - Hôpital Pellegrin, Service du Professeur De Monès, CHU Bordeaux

Impact psychologique de l’annonce du diagnostic : quelles recommandations, quel suivi ?

Equipe du projet SURGENEA : (Amélie Marie¹, Laetitia Clabaut², Marjolaine Corbeil², Simon Bouisson², Catherine Vincent-Delorme², Barbara Le Driant²)

Le diagnostic de surdité suscite chez les parents un vécu émotionnel difficile, mais qu’en est-il précisément chez les mères et les pères en France ? Quels sont leurs besoins et quelles recommandations d’accompagnement peut-on proposer ? Notre présentation associera données de recherche et applications cliniques pour tenter de répondre au mieux à ces questions.

Dans la première partie de notre intervention nous présenterons les premiers résultats du projet SurGeNea mené en collaboration avec le CRP-CPO (UR 7273) de l’Université de Picardie Jules Verne¹ et le Centre de référence Maladies rares « Surdités génétiques » du CHU de Lille². Cette recherche collaborative nous a permis de mener une étude sur 70 parents entendants d’enfant sourd (35 mères et 35 pères). Grâce à des entretiens semi-dirigés, nous avons pu investiguer le vécu émotionnel des parents lors des différentes étapes du diagnostic de la surdité de leur enfant. Ainsi, les parents évoquent des émotions variées telles que l’ inquiétude, la détresse, le choc ou encore la culpabilité ainsi que le manque d’empathie des professionnels. De plus, différentes stratégies pour faire face à la situation sont apparues. Nous discuterons des différences observées entre le vécu des mères et des pères. Les parents ont exprimé leurs besoins ce qui nous permet de proposer une liste de recommandations pour améliorer l’accompagnement qui leur est proposé.

Dans la seconde partie de notre intervention, nous échangerons sur chacune des recommandations pour donner des exemples d’intégrations dans le service ORL du CHU d’Amiens grâce à l’expérience de Mme Brossard.

Angélique BROSSARD, Psychologue Clinicienne et Psychothérapeute, spécialisée en Surdité et santé mentale, bilingue LSF/Langue Française.
Exerce en service ORL du CHU d’Amiens et chargée de cours à l’Université Picardie Jules Verne.