Bilan étiologique très précoce d’une surdité de l’enfant

Dr BOIS Emilie

Praticien Hospitalier, service d'ORL pédiatrique, Hôpital Robert Debré, Paris

Bilan étiologique très précoce d’une surdité de l’enfant Dr Emilie Bois – Praticien Hospitalier à l’hôpital Robert Debré, Paris

Le dépistage auditif néonatal obligatoire a permis un diagnostic très précoce de la surdité, parfois avant 2 mois de vie. Se pose ensuite la question de la prise en charge de cette surdité, et notamment de son bilan étiologique, en effet certains examens ne sont pas réalisables chez le tout-petit et certains examens dépendent des résultats d’autres examens.
Certains examens sont systématiques devant toute surdité de l’enfant : PCR CMV salivaire, consultation génétique, IRM des rochers et cérébrale, bilan vestibulaire et consultation ophtalmologique. D’autres examens dépendent du contexte clinique ou des résultats retrouvés aux examens précédents : ECG, PEV-ERG, bandelette urinaire…

Dès le diagnostic de surdité, et même dès l’échec au dépistage auditif (même unilatéral), on peut d’emblée prescrire une PCR CMV sur prélèvement salivaire. Plus ce test est précoce, plus il est indicatif étant donné la fréquence du virus dans la population générale. Si le CMV est retrouvé dans la salive, il faudra alors faire une PCR CMV sur le sang du carton de Güthrie pour prouver le caractère anténatal de l’infection, et si le sang fœtal est contaminé par le CMV, déterminer le terme de la séroconversion.

Dès le diagnostic de surdité on peut également demander une consultation génétique, techniquement faisable à tout âge : on sait que la surdité de l’enfant est majoritairement d’origine génétique. Mais l’accessibilité à la consultation génétique et les délais pour l’obtention des résultats sont parfois très longs et il vaut mieux avoir une orientation diagnostique avant de faire les premières recherches génétiques. C’est donc un examen que l’on demande habituellement souvent dans un deuxième temps. Mais avec le protocole de thérapie génique sur l’otoferline actuel, il peut y avoir une urgence à avoir le diagnostic : donc les patients suspects de mutation de l’otoferline doivent être adressés en urgence à un généticien.

Tout diagnostic de surdité doit s’accompagner d’un bilan d’imagerie. L’IRM permet de caractériser l’anatomie de l’oreille interne, le paquet acoustico-facial et l’encéphale : cet examen est réalisable dès la naissance mais nécessite une sédation. Il est préférable d’attendre 4 à 6 mois de vie pour faire l’IRM car certaines structures peuvent être mal visibles chez les plus jeunes, et nécessitent alors de refaire l’examen.

En cas de projet d’implantation cochléaire, on demande également un scanner des rochers pour évaluer la faisabilité chirurgicale, les malformations de l’oreille moyenne associées et caractériser à nouveau l’anatomie de l’oreille interne. Cet examen nécessite également une sédation, c’est pourquoi on l’associe souvent là l’IRM, et il est irradiant. Il est faisable dès la naissance, mais comporte une irradiation qu’il faut prendre en compte chez le nouveau-né.

Le bilan vestibulaire est nécessaire devant toute surdité, du fait la proximité du labyrinthe postérieur et de la cochlée et de leur embryologie. Un bilan vestibulaire complet est possible chez un enfant sans autre comorbidité à partir de 5 mois de vie. Cet examen permettra d’évaluer la fonction vestibulaire ce qui permettra : en cas de déficit, de prescrire de la psychomotricité et des mesures d’adaptation pour améliorer les acquisitions motrices, de déterminer la fonction avant chirurgie d’implant cochléaire.
En cas de surdité profonde et d’aréflexie vestibulaire complète bilatérales, il faudra demander :
– en urgence un ECG pour éliminer le syndrome de Jervell-Lange-Nielsen : en pratique, étant donnée l’innocuité de cet examen et la rapidité de réalisation, nous le demandons dès l’annonce de la surdité – car parfois les délais d’obtention du bilan vestibulaire sont de plusieurs mois
– un ERG et des PEV pour éliminer un syndrome de Usher type I : dans ce cas, il ne sert à rien d’être trop précoce, les conséquences de la rétinopathie n’apparaissant que secondairement

Ainsi plusieurs examens sont indispensables devant toute surdité. La PCR CMV salivaire peut être faite dès l’échec du dépistage auditif. L’IRM et le bilan vestibulaire peuvent être faits à partir de 4-5 mois de vie : étant donné l’accessibilité à ces examens, cela permet le plus souvent de prendre le temps d’organiser les bilans après l’annonce. Enfin la consultation génétique est demandée en fonction du contexte et en fonction des possibilités des différents centres.