Dr SEREY-GAUT Margaux
Généticienne clinicienne, Centre de Recherche en Audiologie - Plateforme Génétique, Service de Génétique Clinique - CRMR Surdités Génétiques,Fédération des services de médecine génomique des maladies rares, Hôpital Necker Enfants Malades - Institut Imagine, Paris
La mise en place du dépistage néonatal des troubles de l’audition permet un diagnostic très précoce des surdités congénitales. En conséquence, ces enfants sont reçus plus tôt en ORL pour la mise en place de leur prise en soin puis en consultation de génétique pour l’enquête étiologique.
En 2023, l’âge du patient à la première consultation dans le service de génétique de l’Hôpital Necker était de 3 ans et 3 mois pour les patients dont la surdité a été diagnostiquée à la naissance, contre 5 ans et 9 mois pour l’ensemble des enfants vus pour la première fois en génétique quel que soit l’âge du début du déficit auditif.
Faire un diagnostic génétique précoce a des avantages et des inconvénients.
Les avantages peuvent être regroupés en quatre grands thèmes :
– L’apport d’un pronostic sur l’évolutivité du déficit auditif (stable/évolutif/incertain).
– L’orientation de la prise en charge en terme de :
o Réhabilitation auditive (indication d’implant cochléaire) dans les surdités fluctuantes, neuropathies auditives, diagnostic d’une évolution vers la surdicécité ;
o Traitement par thérapie génique (gène OTOF).
– La recherche de signes associés dans les surdités syndromiques, que ce soient des malformations (cardiaque, rénale, cérébrale, osseuse) ou des dysfonctions organiques (ophtalmologique, rénale, thyroïdienne, troubles des apprentissages associés, etc).
– Le conseil génétique : pour une prochaine grossesse du couple, dépistage des apparentés.
Poser un diagnostic génétique précoce peut également avoir des inconvénients, que nous regrouperons en trois points :
– La réalisation d’analyses génétiques mal orientées et parfois non pertinentes si le bilan de la surdité n’a pas encore été réalisé : pas encore de réalisation d’une imagerie par scanner ou IRM, du bilan vestibulaire, pas de recul sur le neuro-développement.
– L’ajout d’un diagnostic génétique alors que le diagnostic de surdité est encore très récent, dont l’acceptation par les parents ou l’entourage en général est encore en cours, avec parfois une culpabilité parentale dans cette acceptation de la surdité s’il s’agit de variants génétiques transmis.
– Dans les surdités syndromiques, l’annonce aux parents de signes associés (troubles visuels, dysfonctions organiques, déficience intellectuelle) dont on ne sait pas s’ils arriveront, à quel âge, avec quelle sévérité.
En conclusion, les avancées technologiques et la mise en place de programmes nationaux de dépistage, que ce soit le dépistage néonatal des troubles de l’audition ou dans un futur proche le dépistage néonatal génétique, permet une prise en soin précoce des nourrissons, mais pose aussi la question de la temporalité efficiente de ce diagnostic génétique.