Pr Natalie LOUNDON
Professeur au collège de médecine des hôpitaux de Paris, Directrice du CReA, Responsable de l'unité d'Audio-phonologie, Implant cochléaire, Serv. ORL, Hôpital Necker Enfants-Maldes, Paris
Contexte général
Les surdités génétiques représentent environ 50-60% des surdités congénitales, avec plus de 150 gènes identifiés. La thérapie génique vise à corriger le défaut génétique responsable de la surdité pour restaurer une fonction auditive naturelle, contrairement aux solutions prothétiques comme l’implant cochléaire qui contournent le problème sans le résoudre.
Situation actuelle en 2025
La thérapie génique des surdités n’est pas encore un traitement disponible en pratique courante. La recherche reste essentiellement au stade préclinique avec des expérimentations animales prometteuses, notamment sur les gènes OTOF (otoferline), TMC1, MYO7A et GJB2. Les premiers essais cliniques humains de phase I/II ont débuté récemment, principalement pour la mutation OTOF responsable de neuropathie auditive, avec des résultats préliminaires encourageants montrant une amélioration auditive de 10-40 dB chez quelques patients traités. L’accès reste donc limité à des protocoles de recherche dans des centres ultra-spécialisés, avec des critères de sélection très stricts.
Défis techniques majeurs
Plusieurs obstacles limitent actuellement le développement de ces thérapies. L’accès à la cochlée est complexe et nécessite généralement une injection chirurgicale intra-cochléaire risquant d’endommager les structures auditives fragiles. Les vecteurs viraux utilisés (principalement AAV) ont une capacité limitée pour transporter des gènes volumineux et peinent à cibler spécifiquement les cellules ciliées ou neurones auditifs concernés. La fenêtre thérapeutique est critique car le traitement doit intervenir avant la dégénérescence irréversible des cellules, ce qui nécessite un diagnostic génétique extrêmement précoce, parfois difficile à obtenir avant que les dommages ne soient installés.
Indications les plus prometteuses
Les mutations du gène OTOF constituent la cible prioritaire car elles provoquent une neuropathie auditive avec préservation des cellules ciliées, offrant un terrain favorable à la thérapie génique. Les surdités syndromiques progressives comme le syndrome d’Usher présentent également un intérêt car leur évolution lente offre une fenêtre thérapeutique plus large. Les formes avec audition résiduelle permettent en outre d’évaluer objectivement l’amélioration apportée par le traitement.
Perspectives et place dans l’arsenal thérapeutique
À court terme, on peut s’attendre à une extension des essais cliniques et possiblement à une approbation pour certaines indications très ciblées dans les 2-5 prochaines années, mais plusieurs défis subsistent incluant le coût extrêmement élevé, la nécessité d’un dépistage génétique universel et les questions éthiques d’accès équitable. L’implant cochléaire reste aujourd’hui le traitement de référence des surdités profondes. La thérapie génique viendra probablement le compléter plutôt que le remplacer, en s’adressant à des formes génétiques spécifiques diagnostiquées précocement ou à des surdités progressives pour en prévenir l’aggravation. Le diagnostic génétique systématique et précoce devient donc crucial pour identifier dès maintenant les candidats potentiels aux futures thérapies géniques.
Pr. Natalie LOUNDON
Professeur au collège de médecine des hôpitaux de Paris
Directrice du Centre de Recherche en Audiologie (CReA)
Responsable de l’unité d’Audio-phonologie, Implant cochléaire
Service ORL
Hôpital Necker-Enfants -Malades
149 rue de Sèvres
75015 Paris
Secrétariat: 01 71 39 69 07 / secretariat.loundon@nck.aphp.fr
Ligne directe: 01 71 39 67 82

